Une visite à Lasko
Sa Sérénissime Modestie Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa visite Lascaux en famille
A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la découverte de la grotte de Lascaux, Sa Sérénissime Modestie Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa a visité le site en famille (avec son épouse et Aurélien, le fils de celle-ci). Normalement, les visites de la grotte sont limitées à trente-cinq minutes, et les visiteurs doivent couvrir leurs cheveux avec une charlotte... que ni lui-même ni son guide Yves Coppens n’ont jugé bon de mettre.
Franck Louvrier, conseiller en communication de l’Elysée, avait annoncé le 10 septembre que le nombre de visiteurs visitant la grotte simultanément à l’occasion de ce déplacement présidentiel chthônien se compterait « sur les doigts d’une main ». Je serais curieux de voir la menite de ce monsieur, car lesdits visiteurs étaient: le président et son épouse, le fils de celle-ci, un copain à elle (dont le nom n’a pas été révélé) ainsi que Frédéric Mitterrand, Yves Coppens, Muriel Mauriac (actuel conservateur de la grotte), un officier de sécurité (les grottes, c’est tellement mal famé!), un photographe et un cameraman. Donc: dix personnes. De plus, ces visiteurs sont restés à peu près une heure au lieu des trente-cinq minutes réglementaires.
D’aucuns s’étant inquiétés de l’impact possible d’un tel nombre de visiteurs et de la durée inhabituelle de leur séjour, Yves Coppens a répondu: « Rien […]. Quelques personnes pendant une heure, rien.» Hum. Nous voici donc rassurés. Pourtant, Muriel Mauriac n’avait-elle pas déclaré de son côté que « si un agent s’attarde près d’une sonde, on a immédiatement un pic de température » ?
C’est tout simplement: deux poids, deux mesures. Rien de ce qui avait été prévu n’a été respecté.
Déjà Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, avait visité le site pendant plus d’une heure le 21 janvier 2010, et en sortant il avait déclaré: « J’ai trouvé la grotte dans l’état où l’on a pu la voir dans les films en couleur des années soixante. En meilleur état même »... En aggravant sérieusement son cas, il avait même ajouté, avec l’admirable sens de la nuance qui le caractérise: «Il n'y a pas de mystère Lascaux, ce n'est pas parce qu'on prend toutes les précautions pour aller voir ce lieu sans l'abîmer, ce n'est pas parce qu'on sort avec des habits de cosmonautes [...] que nous avons constaté une sorte d'Hiroshima à l’intérieur. »
Une photo (ci-dessous) immortalise cette scène où l’on voit notre ministre faire ces déclarations pendant qu’Yves Coppens sourit modestement et qu’en arrière-plan Jean-Michel Geneste semble avoir souhaité ne jamais apparaître sur un cliché de ce genre. Mais dans la vie, il faut faire des choix, non ?
Yves Coppens a été récemment promu (par Frédéric Mitterrand) directeur du conseil scientifique de Lascaux, alors qu’il n’a jamais travaillé sur cette grotte, ni dans aucune grotte ornée du reste, et qu’il n’a aucune compétence particulière en matière d’art rupestre. Quand les journalistes le présentent comme le découvreur de Lucy (voir la vidéo ci-dessous), il reste impassible, ne levant pas même un sourcil, et se garde bien de signaler que ce célèbre fossile fut en réalité découvert par Tom Gray, un étudiant de Donald Johanson qui dirigeait l’équipe de chercheurs éthiopiens, américains et français travaillant sur le site. Donc Yves Coppens, qui n’était pas sur le terrain au moment de la découverte de Lucy et dont la compétence en matière d’art préhistorique se limite en gros à la rédaction d’une préface indigente à un livre consternant d’Emmanuel Anati, croit pouvoir affirmer que « la France a toujours été attentive à la protection de cette grotte ». Hum, hum, que c’est rassurant!
Un tel déni de la réalité est tout bonnement consternant. Voici une petite entrevue de Geneviève Orial, responsable du pôle microbiologie du Laboratoire de recherche des Monuments historiques, dont je ne cautionne pas tous les propos mais qui confirme que la grotte de Lascaux est « bien entendu fermée à tout visiteur autre que scientifique » (évidemment Aurélien, le fils de Carla, est sans doute un brillant scientifique).
Enfin, à l’issue de sa visite, Nicolas Sarközy s’est fendu de quelques déclarations, prononçant notamment cet adage d’une grande profondeur philosophique: « entre l’universel et le terroir, il y a Lascaux ». A graver dans le marbre à l’entrée de la grotte. Puis, rejoignant le terrain de la science avec autant d’aisance qu’il avait abordé celui de la philosophie, il a déclaré: « Le brave Néandertalien avait parfaitement compris qu’ici, c’était plus tempéré qu’ailleurs, qu’il devait y avoir du gibier, qu’il faisait beau et qu’il y faisait bon vivre ».
Deux petits détails: sans même demander pourquoi le Néandertalien est dit ici « brave », on ne peut que noter que ce ne sont pas des Néandertal qui ont orné Lascaux mais des hommes de Cro-Magnon, et côté climat tempéré avec beau temps, pas de chance: on était alors en pleine période glaciaire.
A quelque chose malheurs sont bons: toute cette histoire a donné l’occasion à Cyril Fernagu de nous concocter un excellent cours d’actualité politique et sociale française :
JLLQ