Hancock et les théranthropes
En fouinant dans mes vieux disques durs, je retrouve une recension que j'avais publiée en 2014 (dans le numéro 490 du magazine La Recherche) de l’un des trop nombreux livres de Graham Hancock: Surnaturel. Rencontres avec les premiers enseignants de l'humanité. Elle est — hélas! — toujours d'actualité.
Graham Hancock est l’un des ces « archéologues romantiques » dont les livres, vendus à des millions d’exemplaires et traduits en des dizaines de langues, ne suscitent généralement, chez les archéologues, qu’un haussement d’épaules agacé. Dans cet énorme volume, dont l’édition anglaise originale est de 2005 et qui fut malheureusement traduit en français quatre ans après, il paraphrase très longuement les thèses de l’archéologue sud-africain David Lewis-Williams, et pense pouvoir enrichir notre connaissance des traditions grâce à sa propre expérience de l’ayahuasca, une drogue sud-américaine devenue à la mode chez les New-Agers. Comme son modèle sud-africain, il croit que l’art préhistorique est né de transes notamment induites par la consommation de diverses plantes hallucinogènes. Ainsi s’expliquerait la vingtaine de théranthropes (figures mythiques mi-humaines et mi-animales) qui se trouvent dans les grottes ornées paléolithiques. Au cours de ce qu’il voudrait être une démonstration, il multiplie les rapprochements superficiels et non significatifs, dont le plus savoureux est sans doute celui qui compare des personnages à quatre doigts peints au Drakensberg (Afrique australe) et l’homme de la scène du puits de Lascaux, qui lui aussi n’a que quatre doigts: comme les oiseaux ont justement quatre doigts, ajoute Hancock, c’est bien la preuve qu’il s’agit dans les deux cas de théranthropes, donc de chamanes en cours de transformation, et donc que ces deux traditions artistiques trouvent leur origine dans un chamanisme ancestral, celui-là même qui serait, pour l’auteur, à la source de toutes les religions.
Je lui suggère alors ajouter à sa documentation un théranthrope qui a malheureusement échappé à son attention, bien qu'il ait lui aussi une tête animale sur un corps humain, tout en étant doté de quatre doigts: Mickey Mouse.