La Sibérie s'invite en Espagne et au Sahara

Les mêmes photos de pétroglyphes de Sibérie ont été utilisées pour illustrer des publications sur des images rupestres du Sahara et des peintures pariétales d’Espagne...

Internet nous apprend qu’une exposition sur « Les Trésors de l’Afrique » s’est ouverte en mars dernier à Moscou, et qu’il y figure notamment des photos de peintures rupestres du Sahara libyen. Le communiqué ajoute :

« Au Sahara se trouvent des milliers de dessins rupestres et de pétroglyphes, figurant dans le patrimoine mondial de l’ONU. Malheureusement, les fresques sont volées par leur impression sur le tissu  et sont passées en contrebande. De tels crimes ont pris surtout de l’ampleur lors de la guerre civile en Libye. »

Avec cette histoire de « fresques volées par leur impression sur le tissu », je soupçonne un problème de traduction (il est probablement fait allusion à des moulages), mais ce qui m’a surtout fait sursauter, c’est l’image utilisée pour illustrer cette annonce. La voici:

4shishkinskye

Point n’est besoin d’être un grand connaisseur des arts rupestres sahariens pour voir immédiatement que l’animal de droite ne correspond pas vraiment au bestiaire usuellement représenté sur les rochers de Libye. Non plus que les oriflammes brandis par les cavaliers.
Deuxième surprise: une rapide promenade sur internet permet de découvrir une seconde annonce du même site (
La Voix de la Russie) illustrée à l’aide de la même image. Cette fois, c’est pour nous dire que « Les peintures découvertes dans la grotte de Nerja au sud de l’Espagne sont les plus anciennes au monde » — ce qui ne tient pas debout, mais c’est une autre histoire. Ce communiqué est modestement intitulé: « Les peintures pariétales d’Espagne sont les plus anciennes au monde. »
D’où vient donc la photo de ces gravures rupestres tantôt attribuées au Sahara libyen, et tantôt à la grotte de Nerja ?
C’est très simple: du site de
Shishkinskiye (Шишкинские) qui se trouve sur la rive droite de la rivière Lena... en Sibérie! Elles ont été étudiées par Okladnikov, qui les attribue à la culture Kurykan, aux environs des VIe-XIe siècles de l’ère commune. C’est le site le plus connu de tous ceux qui se trouvent dans la région du lac Baïkal, et il a fait l’objet d’une monographie récente, publiée à Irkoutsk en 2011 par Larissa Vladimirovna Mel’nikova (Шишкинская писаница: История и методика изучения, проблемы музеефикации, описание петроглифов « Les gravures de Shishkinskaia: Histoire et méthode de l’étude, problèmes de muséographie, description des pétroglyphes. » )

Une fois de plus: méfions-nous d’internet!

JLLQ













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