Piri Reis enfoncé ! Piri Reis enfoncé !

Le quotidien La Pravda a annoncé que des chercheurs de l'université de Bashkir auraient découvert, dans le sud de l'Oural, la preuve de l'existence d'une ancienne civilisation, hautement développée, il y a 120 millions d'années. Alors si même La Pravda se trompe, maintenant…

Le quotidien La Pravda a annoncé que des chercheurs de l'université de Bashkir auraient découvert, dans le sud de l'Oural, la preuve de l'existence d'une ancienne civilisation, hautement développée, il y a 120 millions d'années. Selon cette information reprise par la presse turque, il s'agit d'une plaque de pierre trouvée en 1999 dans le village de Chandar, et mesurant 1,48 x 1,06 m. Elle est couverte de craquelures que nos naïfs universitaires interprètent comme la représentation tridimensionnelle d'une série de canaux et de barrages, accompagnée d'inscriptions qui seraient rédigées dans une langue inconnue, à l'aide d'une écriture indéchiffrable.


Le procédé de datation de cette "carte" vaut son pesant de portulans: comme les restes de deux coquilles fossiles, dont une d'Ecculiomphalus princeps, ont été trouvées à la surface de la pierre, et comme cet animal vivait il y a 120 millions d'années, les auteurs concluent que c'est à ce moment-là que la carte fut dessinée, parce que ces fossiles y auraient été ajoutés intentionnellement pour marquer des emplacements importants. Sans doute qu'à l'époque, on n'avait pas encore inventé les épingles à tête de couleur, pour marquer des points sur les cartes.


Ci-contre, un fossile d'Ecculiomphalus princeps, d'après "Gastropoden aus paläozoischen Geschieben des Kies-Sand-Rückensin der Laerheide", de M.R.W. Amler, D. Heidelberger et H. Schöning, Osnabrücker Naturwissenschaftliche Mitteilungen, Band 28 (2002), 8, 7-25 (version pdf ici). Avec ce genre de raisonnement, les lavabos vendus dans le commerce, et où se voient des fossiles du secondaire, ont dû être taillés par de grands supérieurs inconnus, il y a plusieurs dizaines ou centaines de millions d'années.


Comme les analystes n'ont pas reconnu de voies terrestres sur ladite carte, ils concluent aussi qu'à cette époque, on avait coutume de naviguer uniquement par canaux. Le professeur Alexandre Chuvyrov, de l'université précitée, a fort bien remarqué que les "canaux" visibles sur la surface du bloc n'ont certainement pas pu être faits par un ancien tailleur de pierre. Très bien. Mais au lieu d'en déduire qu'il s'agit donc d'un phénomène naturel, d'un lusus naturae, il en tire l'idée que ces traits auraient été réalisés avec des "outils de précision" d'une nature inconnue, et à l'aide d'une technologie extrêmement avancée. Cet universitaire, auquel on ne saurait trop conseiller d'entreprendre des études de géologie, estime aussi que cette pierre ne constituerait en fait qu'un fragment d'une carte générale de la terre, qui aurait été brisée lors des glaciations. Heureusement, nous rassure-t-il aussitôt, d'autres fragments se trouveraient dans la région où fut découvert celui-ci, et une fois le puzzle reconstitué, l'ensemble devrait mesurer environ 340 x 340 mètres. Ainsi, non seulement, il s'agirait de la plus ancienne carte du monde, mais aussi de la plus grande. Ce que ne nous dit pas notre bon professeur, hélas, c'est pourquoi une telle "civilisation inconnue et technologiquement plus avancée que la nôtre" (ce qui constitue une sorte de pléonasme, dans ce genre de littérature, où les "civilisations inconnues" appartiennent toujours à un lointain passé, tout en étant très en avance sur nous du point de vue technologique), il ne nous dit pas, donc, pourquoi ces gens auraient gravé une carte de plus de 11 hectares sur de la pierre, à seule fin de naviguer sur des canaux. . .


Ci-dessus, le professeur Alexandre Chuvyrov examinant sa trouvaille.

JLLQ