L'armée de Cambyse retrouvée ?
Les recherches entreprises depuis des décennies par des archéologues, géologues, explorateurs et aventuriers pour retrouver l'armée du roi perse Cambyse, dont Hérodote affirme qu'elle fut engloutie par un vent de sable dans le désert Libyque, auraient enfin abouti...
Les frères Angelo et Alfredo Castiglioni, connus des amateurs d'art rupestre saharien pour le beau livre Fiumi di pietra ("Fleuves de pierre) qu'ils ont publié en 1986 avec notre ami Giancarlo Negro, et qui ont également redécouvert avec lui la "cité d'or" de Berenike Panchrysos citée par Pline l'Ancien (HN VI, 170), viennent d'annoncer, lors du festival du film archéologique de Rovereto en Italie, qu'ils auraient retrouvé l'armée perdue de Cambyse II, qui régna en Egypte de 530 à 522 BCE.
On se souvient que, selon Hérodote (Clio, livre III), le roi achéménide Cambyse II aurait monté une expédition de 50.000 hommes partis de Thèbes pour attaquer Siwa et détruire le temple d'Amon, dont les prêtres avaient refusé de reconnaître sa souveraineté en Egypte. Hérodote rapporte que l'on n'a jamais plus entendu parler de cette armée, engloutie par un terrible vent de sable.
Depuis lors, nombreux sont les explorateurs et voyageurs qui ont rêvé de retrouver les restes de cette armée, d'autres affirmant que tout cela n'était que légende. Ces dernières années, une rumeur a plusieurs fois couru, selon laquelle des armes de bronze auraient été découvertes dans le désert Libyque, rallumant les espoirs... mais sans confirmation jusqu'à présent. Ainsi, en l'an 2000, l'archéologue égyptien Mohammed al-Soghayer a monté une équipe de huit archéologues, géologues et anhropologues pour fouiller un site de dix km2 repéré à 150 km de Siwa, et dont il pensait qu'il s'agissait du dernier camp de l'armée de Cambyse. Ce site avait été signalé par des géologues qui y avaient remarqué des armes métalliques, en particulier des poignards, ainsi que de nombreux restes humains épars dans les sables. Hélas, les résultats des travaux de M. Al-Soghayer n'ont pas été publiés à ma connaissance.
Alfredo et Angelo Castiglioni ont repris le dossier en estimant que l'armée perse n'avait pas dû suivre la piste caravanière passant par Dakhla et Frarafra, car de nombreux chercheurs l'ont déjà explorée, et n'y ont jamais rien trouvé qui puisse rappeler l'histoire contée par Hérodote. Ils ont donc privilégié la piste du Sud, celle d'Abu Ballas qui conduit dans la région du Gilf Kebîr et le Jebel al-Uweynât. Selon eux, Cambyse aurait pu suivre ce chemin, puis obliquer plein nord pour remonter vers Siwa.
Suivant ce chemin, les deux frères ont retrouvé, dans la région de Barheyn (une oasis proche de Siwa) une grotte de 35 m de large et deux de haut, pour trois mètres de profondeur, où ils ont mis au jour des objets de bronze (dague, pointes de flèches, boucle d'oreille...) qui semblent bien dater de la période achéménide. S'agirait-il d'objets ayant appartenu à des soldats de Cambyse réfugié dans cet abri pour échapper au vent de sable? Remontant vers Siwa, Alfredo et Angelo Castiglioni se sont rendus, grâce aux indications des Bédouins, sur un site couvert d'ossements humains, et connu depuis quelques années (il pourrait bien s'agir de celui déjà visité en 2000 par Mohammed al-Soghayer) et ils y ont trouvé des têtes de flèches en bronze d'un type perse, et un mors de cheval également en bronze et tout à fait semblable à ceux qui sont figurés sur des bas-reliefs perses.
Tout ceci, qui reste à vérifier, tend à confirmer, aux yeux des découvreurs, que ce seraient bien les restes de l'armée de Cambyse qui auraient été découverts. Si c'était le cas, un autre des "racontars" d'Hérodote serait désormais vérifié, après ceux sur les chars des Garamantes poursuivant les "troglodytes" du Sud-Saharien, chars auxquels personne ne croyait tant que l'on n'avait pas retrouvé les images rupestres qui les représentent!
On peut voir sur YouTube un extrait du film Lost Army of Cambyses présenté au festival de Rovereto. Ce qu'on peut y voir de leurs méthodes ne peut que faire frémir des archéologues authentiques (qu'eux-mêmes ne sont pas): recherches au détecteur de métaux, extraction d'objets sans tenir compte du contexte...
Il est également dommage que les frères Castiglioni, qui aiment bien faire du bruit dans les médias (ils sont également connus pour avoir tourné en Afrique, de 1969 à 1882, cinq films du type "monde cane"), ne fassent pas référence à leurs prédécesseurs, et s'arrogent tout le mérite de la (possible) découverte. Citer Mohammed al-Soghayer n'aurait pourtant rien ôté à leurs mérites! Quant à l'idée selon laquelle Cambyse aurait conduit son armée par la route du Sud, avant de remonter vers Siwa par les couloirs interdunaires, ils auraient pu rappeler qu'elle n'est pas d'eux mais de Samîr Lama, fameux guide saharien mort en 2004.
J'ajouterais que trouver des objets en bronze de type achéménie dans le désert est une chose, prouver qu'il s'agirait des restes des quelque 50.000 hommes de Cambyse en est une autre. Premièrement ce chiffre, donné par Hérodote, n'est absolument pas crédible et ne peut correspondre qu'à une exagération de conteur, tous les commentateurs s'accordent sur ce point. Deuxièmement il est peu probable que l'armée perse, originaire d'une région semi-désertique, aurait été victime des pièges du désert. Ensuite, aucune raison ne justifie l'itinéraire par le sud, puisqu'il aurait été infiniment plus facile de longer la côte avant d'obliquer vers Siwa, comme le fit du reste Alexandre deux siècles plus tard. Enfin, aucun vent de sable ne peut engloutir toute une armée. Il convient de replacer le récit d'Hérodote dans son contexte, car l'historien grec multiplie les détails montrant que le roi perse avait commis des sacrilèges impardonnables, donc qu'il était atteint de ce que les Grecs anciens dénommaient ὕϐρις (hybris: "démesure"). Dès lors, dans la pensée grecque, il ne pouvait qu'être anéanti par les dieux.
On se souvient que, selon Hérodote (Clio, livre III), le roi achéménide Cambyse II aurait monté une expédition de 50.000 hommes partis de Thèbes pour attaquer Siwa et détruire le temple d'Amon, dont les prêtres avaient refusé de reconnaître sa souveraineté en Egypte. Hérodote rapporte que l'on n'a jamais plus entendu parler de cette armée, engloutie par un terrible vent de sable.
Depuis lors, nombreux sont les explorateurs et voyageurs qui ont rêvé de retrouver les restes de cette armée, d'autres affirmant que tout cela n'était que légende. Ces dernières années, une rumeur a plusieurs fois couru, selon laquelle des armes de bronze auraient été découvertes dans le désert Libyque, rallumant les espoirs... mais sans confirmation jusqu'à présent. Ainsi, en l'an 2000, l'archéologue égyptien Mohammed al-Soghayer a monté une équipe de huit archéologues, géologues et anhropologues pour fouiller un site de dix km2 repéré à 150 km de Siwa, et dont il pensait qu'il s'agissait du dernier camp de l'armée de Cambyse. Ce site avait été signalé par des géologues qui y avaient remarqué des armes métalliques, en particulier des poignards, ainsi que de nombreux restes humains épars dans les sables. Hélas, les résultats des travaux de M. Al-Soghayer n'ont pas été publiés à ma connaissance.
Alfredo et Angelo Castiglioni ont repris le dossier en estimant que l'armée perse n'avait pas dû suivre la piste caravanière passant par Dakhla et Frarafra, car de nombreux chercheurs l'ont déjà explorée, et n'y ont jamais rien trouvé qui puisse rappeler l'histoire contée par Hérodote. Ils ont donc privilégié la piste du Sud, celle d'Abu Ballas qui conduit dans la région du Gilf Kebîr et le Jebel al-Uweynât. Selon eux, Cambyse aurait pu suivre ce chemin, puis obliquer plein nord pour remonter vers Siwa.
Suivant ce chemin, les deux frères ont retrouvé, dans la région de Barheyn (une oasis proche de Siwa) une grotte de 35 m de large et deux de haut, pour trois mètres de profondeur, où ils ont mis au jour des objets de bronze (dague, pointes de flèches, boucle d'oreille...) qui semblent bien dater de la période achéménide. S'agirait-il d'objets ayant appartenu à des soldats de Cambyse réfugié dans cet abri pour échapper au vent de sable? Remontant vers Siwa, Alfredo et Angelo Castiglioni se sont rendus, grâce aux indications des Bédouins, sur un site couvert d'ossements humains, et connu depuis quelques années (il pourrait bien s'agir de celui déjà visité en 2000 par Mohammed al-Soghayer) et ils y ont trouvé des têtes de flèches en bronze d'un type perse, et un mors de cheval également en bronze et tout à fait semblable à ceux qui sont figurés sur des bas-reliefs perses.
Tout ceci, qui reste à vérifier, tend à confirmer, aux yeux des découvreurs, que ce seraient bien les restes de l'armée de Cambyse qui auraient été découverts. Si c'était le cas, un autre des "racontars" d'Hérodote serait désormais vérifié, après ceux sur les chars des Garamantes poursuivant les "troglodytes" du Sud-Saharien, chars auxquels personne ne croyait tant que l'on n'avait pas retrouvé les images rupestres qui les représentent!
On peut voir sur YouTube un extrait du film Lost Army of Cambyses présenté au festival de Rovereto. Ce qu'on peut y voir de leurs méthodes ne peut que faire frémir des archéologues authentiques (qu'eux-mêmes ne sont pas): recherches au détecteur de métaux, extraction d'objets sans tenir compte du contexte...
Il est également dommage que les frères Castiglioni, qui aiment bien faire du bruit dans les médias (ils sont également connus pour avoir tourné en Afrique, de 1969 à 1882, cinq films du type "monde cane"), ne fassent pas référence à leurs prédécesseurs, et s'arrogent tout le mérite de la (possible) découverte. Citer Mohammed al-Soghayer n'aurait pourtant rien ôté à leurs mérites! Quant à l'idée selon laquelle Cambyse aurait conduit son armée par la route du Sud, avant de remonter vers Siwa par les couloirs interdunaires, ils auraient pu rappeler qu'elle n'est pas d'eux mais de Samîr Lama, fameux guide saharien mort en 2004.
J'ajouterais que trouver des objets en bronze de type achéménie dans le désert est une chose, prouver qu'il s'agirait des restes des quelque 50.000 hommes de Cambyse en est une autre. Premièrement ce chiffre, donné par Hérodote, n'est absolument pas crédible et ne peut correspondre qu'à une exagération de conteur, tous les commentateurs s'accordent sur ce point. Deuxièmement il est peu probable que l'armée perse, originaire d'une région semi-désertique, aurait été victime des pièges du désert. Ensuite, aucune raison ne justifie l'itinéraire par le sud, puisqu'il aurait été infiniment plus facile de longer la côte avant d'obliquer vers Siwa, comme le fit du reste Alexandre deux siècles plus tard. Enfin, aucun vent de sable ne peut engloutir toute une armée. Il convient de replacer le récit d'Hérodote dans son contexte, car l'historien grec multiplie les détails montrant que le roi perse avait commis des sacrilèges impardonnables, donc qu'il était atteint de ce que les Grecs anciens dénommaient ὕϐρις (hybris: "démesure"). Dès lors, dans la pensée grecque, il ne pouvait qu'être anéanti par les dieux.
JLLQ