Massacre à la bombe dans l'Akâkus
Sept sites rupestres majeurs ont été vandalisés dans la Tadrart Akâkus (Libye) ce qui pose à nouveau la question de la protection des sites.
D'abord une photo du site tel qu'il était, avec ses peintures de palmiers et de bovinés, son char, ses inscriptions en caractères tifinagh, et son fameux groupe de personnages surnommés "Le Salon de Musique":
Et le même site, tel qu'il apparaît depuis avril 2009:
La situation de six autres sites du massif est comparable. Très vite après l'annonce de ces actes de vandalisme délibéré, des communiqués officiels des Antiquités libyennes ont été publiés, et un article a été publié en Italie par un archéologue spécialiste de cette région:
L'on ne peut que constater, une fois de plus, que les professionnels, loin de remettre leurs propres pratiques en cause, en profitent pour dénoncer un bouc émissaire facile: les touristes "de plus en plus nombreux" ("i turisti sono sempre di più", déplore l'article ci-dessus, et voir un autre exemple ici).... sauf que ce ne sont pas les "touristes" qui ont commis cet acte, mais un guide-chauffeur travaillant dans un Parc national. Depuis des années, certains archéologues professionnels répètent toujours, comme un mantra, que ce sont les touristes qui seraient responsables de la dégradation de l'art, et qu'il faut donc les contrôler plus étroitement, ou même leur interdire l'accès à des zones entières, alors que tous les cas récents de dégradation bien documentés sont le fait de professionnels en lien avec la gestion des sites (militaires, douaniers, agents de la MINURSO, et ici un guide!). Donc, je suspecte fort ce type d'incantation d'être surtout proféré, pour se débarrasser des "amateurs", par des "professionnels" désireux de jouer tout seuls dans leur bac-à-sable.
Il ne s'agit pas de disculper l'ex-guide-chauffeur responsable de ces graffiti, mais il est évident que, voulant se venger de quelques personnes, il n'a fait que s'en prendre à un patrimoine commun à toute l'humanité, et dont les aléas de l'histoire récente font qu'il se trouve actuellement sur le territoire de la Libye. Il n'a absolument pas compris qu'il se trompait de cible. Qu'une telle action ait pu être commise par l'un des employés d'un Parc national, c'est proprement inimaginable, et cela ne peut que signifier à mes yeux qu'une seule chose: le personnel de ce Parc n'est pas formé convenablement. Il suffit d'une comparaison, même rapide, avec ce qui se passe par exemple dans les grands Parcs australiens et sud-africains également riches en art rupestre, pour en être persuadé.
Espérons que la leçon sera (enfin) entendue.
Mais s'il s'avérait que la première réaction des autorités fut bien d'interdire l'accès aux sites vandalisés, on n'en prendrait guère le chemin, car c'est évidemment tout le contraire qu'il aurait fallu faire, à des fins éducatives (voir ici pour une situation comparable).
JLLQ