Des chemins d'eau pour sortir d'Afrique ?

D'immenses rivières coulant à travers le Sahara vers le nord auraient pu faciliter la dispersion hors d'Afrique des Humains anatomiquement modernes...

Selon la théorie "Out of Africa", les Hommes (anatomiquement) modernes seraient originaires d'Afrique sub-saharienne, et auraient quitté le continent en traversant le Sahara, il y a environ 100.000 ans (?). Dans l'état actuel de notre ignorance, c'est en tout cas vers 93.000 ans avant nos jours qu'ils apparaissent pour la première fois au nord du continent, plus précisement en Israël. On a d'abord pensé que, pour cette traversée, ils auraient longé le Nil, mais cela n'a pas été confirmé par l'archéologie. Or plus à l'ouest, où se retrouvent en abondance les pointes atériennes qu'ils ont abandonnées lors de leur passage, l'analyse des images radar montre que de très grands fleuves et rivières fossiles traversaient ce qui est maintenant un désert, pour aller se jeter dans la Méditerrannée.



Reconstruction des rivières drainant le Harûj el-Aswad (HA), l'Ennedi (EM) et le Tibesti (TM).
Le triangle indique le Wâdi Behar Belama, le rectangle le Wâdi Qoqin, et l'étoile le Wâdi esh-Shâti.


Anne Osborne, géochimiste, et ses collaborateurs de l'Université de Bristol, ont pu analyser des coquilles fossiles retrouvées dans la partie libyenne (Bassin des Syrtes) de certaines de ces rivières depuis longtemps disparues, et qui pouvaient atteindre 800 kilomètres de long et jusqu'à cinq kilomètres de large: l'eau dans laquelle ces organismes ont vécu provenait en partie des volcans du Harûj el-Aswad en Libye et du Tibesti au Tchad, et ces rivières couraient vers le nord durant des épisodes humides situés dans ce que les spécialistes appellent le cinquième MIS (Marine Isotope Stage), c'est-à-dire entre 130.000 et 117.000 ans. Ainsi, loin de se présenter comme une barrière infranchissable, les étendues sahariennes situées à l'ouest du Nil auraient pu fournir aux Hommes modernes une série de corridors humides facilitant leur dispersion à partir des grands mégalacs Tchad et Fezzân.

Pour tester cette hypothèse, Anne Osborne suggère aux préhistoriens de plus particulièrement prospecter les abords des anciennes rivières "sahariennes", maintenant assez bien cartographiées...

Avis aux amateurs ! (et aux professionnels aussi, bien sûr !)

JLLQ


Source :
Osborne, Anne H., Vance, Derek, Rohling, Eelco J., Barton, Nick, Rogerson, Mike, & Fello, Nuri (2008). «A humid corridor across the Sahara for the migration of early modern humans out of Africa 120,000 years ago.» Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 105(43): 16444-16447.