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Petit dictionnaire de zoologie mythique

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Introduction

Si les dictonnaires des symboles traitent parfois assez longuement des animaux, c'est le plus souvent en cherchant à élucider la signification qu'on leur prête encore dans notre propre culture, et donc en prolongeant ainsi la fonction autrefois tenue par les « Recueils d'emblèmes» qui se multiplièrent durant la Renaissance. Mais en matière de mythologie animale, le seul ouvrage encore récemment disponible était l'ancien Dictionnaire de mythologie zoologique publié au siècle dernier par le sanskritiste italien Angelo de Gubernatis, qui ne traitait que d'un très petit nombre d'espèces, apparaissant dans des mythes et des contes essentiellement européens et indiens. Aussi le présent dictionnaire cherchera-t-il à éviter ces deux errements, en élargissant l'inventaire à plus de trois cents espèces animales, et en citant des mythes provenant de tous les continents. Certes, tant le volume de l'ouvrage que le simple usage de la raison interdisaient toute prétention à l'exhaustivité mais, aussi incomplet soit-il, ce travail permettra au moins une «entrée» dans les mythologies du monde entier, des origines à nos jours. Mieux, il favorisera des rapprochements parfois inattendus, et l'on sera peut-être surpris de découvrir par exemple qu'en Grèce et en Chine anciennes, des récits affirment que la fourmi fut utilisée dans une ruse similaire, ayant permis de surmonter un même type d'épreuve labyrinthique, selon des mythes sont le héros est ici Icare, et là Confucius.


Grâce au principe des «entrées» et des «renvois», on prendra aisément connaissance de l'extraordinaire vitalité de certains mythes, attestés de la plus haute antiquité à nos jours, et il sera également possible de suivre une partie de leurs transformations, ou de leurs migrations d'un continent à l'autre, comme dans les cas de la «femme-oiseau» (Swan-maiden), de la «tortue cosmophore» ou du « plongeon-créateur» bien connus de l'Inde ancienne, et qui se sont répandus tant en Asie qu'en Amérique du nord.


L'importance du thème animalier dans les croyances religieuses n'est plus à démontrer: partout l'animal, cet opérateur symbolique, est médiateur de l'au-delà, psychopompe ou messager des dieux. Intermédiaires entre ceux-ci et les hommes, les bêtes servent d'interprètes aux puissances dont elles sont les émissaires, les oiseaux communiquant avec le monde céleste, et les êtres aquatiques ou serpentiformes avec les domaines inférieurs. Les divinités peuvent du reste se manifester sous la forme d'un ou plusieurs animaux véritables, ces derniers se contentant d'ailleurs fréquemment de n'être que leurs attributs. Parfois, il semble bien que le dieu fut tardivement associé à l'animal avec lequel il forme couple mais, les problèmes d'origine étant généralement insolubles, on ne cherchera pas ici à savoir s'il y eut ou non anthropomorphisation tardive d'anciennes divinités animales dont l'existence n'est pas toujours prouvée.


Le présent dictionnaire ne prend généralement en compte que des mythes mettant en scène des divinités dans leurs rapports avec les animaux, ou bien des animaux mythiques tels que le griffon ou le dragon, mais il n'a pas été possible d'y intégrer les myriades de récits qui, dans tous les pays, expliquent l'origine de telle ou telle infime particularité naturelle de la faune locale. Les références savantes ont été évitées autant que possible, mais l'étymologie de certains termes a cependant été indiquée lorsqu'elle était significative du point de vue mythologique.


Innombrables sont les traditions et les récits évoquant des soldats qui sont comme des ours, des loups, des tigres ou des dragons ivres de fureur. En divers lieux, à diverses époques, des guerriers portant sur eux quelque élément animal furent supposés se changer véritablement en fauves dont ils souhaitaient égaler la combativité. Bien des peuples se sont d'ailleurs eux-même donné le nom d'un animal originaire, ou affirment encore être parents de telle ou telle espèce, dans une solidarité homme-animal dont nous avons quelque peu perdu la mémoire. Mais, tant en ces pratiques que dans bien des mythes, demeure comme l'image indistincte d'un songe à demi-oublié, comme un lointain souvenir du «temps du rêve» des Aranda d'Australie, ce temps mythique où les héros ancestraux étaient à la fois hommes et animaux.


Maints récits étiologiques nous expliquent aussi comment apparurent les différentes espèces, ou comment les divinités leurs octroyèrent leurs caractéristiques les plus remarquables. Comment aussi la chasse, autrefois «naturelle» et aisée, devint soudain difficile par la suite d'un mauvais comportement des hommes envers les animaux.


Certains récits d'origine nous expliquent encore comment les animaux perdirent l'usage de la parole, alors qu'originairement ils conversaient très bien. On dit par exemple que Dieu leur aurait retiré cette faculté à la demande d'Adam, irrité qu'ils aient eu le front de lui reprocher son péché.


Les bêtes ne parlent plus mais, dans les mythes et les contes, leur voix résonne encore, pour nous dire les histoires du temps où, selon le Baopu Zi, que rédigea Ge Hong au IVe siècle de notre ère, « le phénix se posait dans les cours des maisons, et les dragons s'ébattaient en troupeaux dans les parcs et les étangs .. on pouvait marcher sur la queue des tigres et saisir dans ses mains les boas. Les mouettes ne s'envolaient pas quand on traversait les étangs, les lièvres et les renards n'étaient pas saisis de frayeur quand on pénétrait dans les forêts ».


C'était certes là le temps d'avant la civilisation, d'avant la folie des hommes, d'avant l'écriture et d'avant les dictionnaires, mais son souvenir serpente entre ces pages.

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N.B. : Si vous voulez citer ce dictionnaire, voici la référence de l'édition originale: Jean-Loïc Le Quellec, Petit dictionnaire de zoologie mythique, Paris, Éditions Entente, 1996, 304 p.