1. Mythos et logos
2. Définitions usuelles
3. Mythologie
4. Mythique et mythologique
5. Mythologues, mythographes, mythologistes et autres mythologiens
6. Mythomane, mythomanie, mythocrate, mythistoire et stichomythie
7. Bibliographie


1. Mythos et logos

Mythe! Voici bien l'un de ces mots qui, pour être fort communément utilisés, n'en sont pas moins des plus difficiles à définir ; un peu comme «culture» ou «civilisation». Or bien qu'il soit couramment associé à la culture gréco-latine, et donc à l'Antiquité, ce terme n'apparut qu'en 1803 dans la langue française, où il concurrençait alors «fable», et il ne fut admis par l'Académie qu'en 1835.

Tous les étymologistes s'accordent sur le fait que mythe est un emprunt au bas latin
mythos «fable, récit fabuleux», du grec muthos, lui-même d'origine obscure.

Le caractère tardif de cet emprunt est général dans les langues européennes. Ainsi, en allemand,
Mythe (pl. Mythen) est attesté en 1800, et Mythos fait son apparition quelques années plus tard, alors qu'en anglais, myth ne se trouve pour la première fois qu'en 1838, sous la plume de T. Keightley.

Eh bien, puisqu'il s'agit d'un emprunt au grec, voyons ce qu'il en est dans la langue originale. Tout d'abord,
muthos signifie «discours», tout comme le logos qui, à lui suffixé, permettra d'obtenir «mythologie». Ce muthos étant de la famille des verbes muthéô et muthéomai qui signifient «parler, converser, dire, raconter, exposer», et «parler en soi-même», c'est-à-dire «réfléchir», nous sommes bien dans le domaine du dire et de l'oral. Pour dire «parler en premier», par exemple, Homère écrit múthôn árkein.

Dans la désignation de ce que nous appelons maintenant des «mythes», les Grecs des VIe-Ve siècles avant notre ère employaient indifféremment
mythos et logos, et lorsque, dans Les Travaux et les Jours, Hésiode raconte le «Mythe des races», c'est le second de ces termes qu'il utilise.

Peu à peu, pourtant, ces mots vont évoluer indépendamment, bien que cela ne soit sensible qu'à partir du Ve siècle après notre ère. Alors,
logos représentera un récit «vérifiable», tandis que par muthos, on entendra plutôt une «tradition fabuleuse», une «fable» (Moreau 1983:28). Mais pendant longtemps, la confusion aura régné entre les deux: Socrate parle des «fables» d'Ésope en employant le mot muthos (Platon, Phédon 61b), tout comme, ultérieurement, Plutarque. Ceci étant, après l'introduction de ce néologisme, quelles définitions du mythe ont donné les dictionnaires du XIXe siècle ?

Après les frères Grimm et Max Müller, Andrew Lang (1844-1912) fut l'un des premiers mythologues à étudier d'une même haleine les mythes et les contes, en s'interrogeant sur leur origine et leur diffusion. Dans un article célèbre intitulé «Mythology and fairy tales» [
Fortnightly Review XIX(1873):618-631], il s'efforça de montrer combien les mythes de l'Antiquité gagnent à être étudiés en gardant présentes à l'esprit les données tirées des contes populaires actuels... et réciproquement!

2. Définitions usuelles

Voici celle de La Châtre (1856) :

«Trait, particularité de la fable, des temps héroïques ou fabuleux. On entend plus particulièrement par ce mot d'importation récente et renouvelé de Varron, un fait, une tradition qui laisse voir, sous l'enveloppe de l'allégorie, une grande généralité historique, physique ou philosophique. On a beaucoup abusé de cette expression et du genre d'interprétation qu'elle exprime. Des spéculations philosophiques élevées, elle est descendue dans le langage familier. On dit à tout propos: C'est un mythe, pour une chose qui n'existe pas.»

Celle du
Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse (1866-1879) :

«Trait, particularité de la Fable, de l'histoire héroïque ou des temps fabuleux: "Les animaux occupent une grande place dans les mythes de la Grèce" (Maury). &endash; Par anal. Chose fabuleuse : "L'union fraternelle des Lithuaniens et des Polonais jusqu'en 1772 est un mythe" (Proudhon). &endash;Fam. Chose si rare qu'elle en paraît fabuleuse: "Le lièvre, espèce fécondissime, est devenu un mythe pour certaines contrées du Midi" (Toussenel). &endash;Antiq. Tradition qui, sous la figure de l'allégorie, laisse voir une grande généralité historique, physique ou philosophique: "L'histoire de Prométhée est un mythe"».

Celle de Littré (1880) :

«1.Trait, particularité de la Fable, de l'histoire héroïque ou des temps fabuleux. 2.Particulièrement, récit relatif à des temps ou à des faits que l'histoire n'éclaire pas, et contenant soit un fait réel transformé en notion religieuse, soit l'invention d'un fait à l'aide d'une idée. Un mythe est un trait fabuleux qui concerne les divinités ou des personnages qui ne sont que des divinités défigurées ; si les divinités n'y sont pour rien, ce n'est plus mythe, c'est légende; Roland à Ronceveaux, Romulus et Numa, sont des légendes; l'histoire d'Hercule est une suite de mythes. Il n'est pas nécessaire que le mythe soit un récit d'apparence historique, bien que c'en soit la forme la plus ordinaire. 3.Fig. et familièrement. Ce qui n'a pas d'existence réelle. On dit qu'en politique la justice et la bonne foi sont des mythes ».

Celle de Bescherelle (1887) :

« 1.Trait, particularité de la fable, de l'histoire héroïque ou des temps fabuleux [...] S'entend surtout d'un fait, d'une tradition, qui, au premier coup d'œil ne renferme que des particularités plus ou moins fabuleuses, mais qui, examinée de plus près, laisse voir sous l'enveloppe de l'allégorie une grande généralité historique, physique ou philosophique. Ainsi le mythe des Myrmidons, peuple que la Fable fait venir de fourmis, signifie la diligence et le zèle de ce peuple pour les travaux de l'agriculture. Souvent même le mythe n'est qu'un symbole mis en action par la parole [...]. 2.Fig. Tout ce qu'on suppose n'avoir pas d'existence réelle. Il est des sceptiques pour lesquels la vertu est un mythe. 3.Par extens. Chose disparue, devenue excessivement rare.».

Et celle de Hatzfeld et Darmesteter (1890-1893) :

« Récit traditionnel attribuant à certains événements, à certains personnages, un caractère surnaturel. Le mythe de Prométhée, de Cacus ».

Actuellement, les anthropologues s'accordent à considérer comme mythes des textes narratifs sans auteur connu, généralement situés dans un temps originel à propos duquel sont rapporté des événements fondateurs.

3. Mythologie

Mythologie, apparu en 1403 pour désigner l'«étude des choses fabuleuses», traduit le titre d'un livre de Fulgence (fin du Ve siècle), les mythologiæ ou «histoires fabuleuses». C'est encore un emprunt au grec, où mythologia était l'«histoire ou étude des choses fabuleuses». Aux XVIe-XVIIe siècles, la mythologie devient l'«explication des fables», d'où l'apparition, en 1580, du verbe mythologiser «donner un sens aux fables», ou les moraliser. Montaigne affirme que «La plupart des fables d'Esope ont plusieurs sens, et intelligences; ceux qui les mythologisent, en choisissent quelque visage qui quadre bien à la fable» (Essais, II:137). Certains se dresseront contre la mode de l'explication mythologique, dont Nicolas de Cholières dénonçait les excès: «Vous avez tort de tirer de la façon les cheveux aux fables poetiques, comme si on n'estoit pas aussi bien instruit que vous que c'est que mythologiser» (Cholières s.d.:117). Dans un même ordre d'idées, mais quelques siècles plus tard, Mythisme eut d'abord le sens de «science des mythes» (1834), avant de désigner l'«abus des explications mythiques» (1840) ou même un certain «amour du merveilleux» (Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle).

Au XIXe se confirme le double sens de mythologie comme «Histoire fabuleuse des dieux, des demi-dieux et des héros de l'antiquité» et comme «Science, explication des mystères et des fables du paganisme» (
ibid.), ce qui conduit à l'acception actuelle: «étude scientifique des mythes». Donc, la mythologie, c'est à la fois une matière et son étude; le poète satirique Charles Colnet du Ravel (1768-1832) se moquera d'ailleurs de l'emploi de la mythologie-matière par des artistes n'en maîtrisant pas l'étude :

Les artistes du jour ont beaucoup de génie ;
Mais ne sont pas très-forts sur la mythologie...


À cette époque, aucune «science» de la mythologie n'était encore véritablement constituée, et les mythes étaient toujours considérés comme des visions irrationnelles et vicieuses du monde, dépréciées par rapport à l'analyse positiviste qui prévalait dans les cercles scientifiques.

Un bon exemple du mépris professé par les «savants» à l'égard des mythes et de la mythologie se trouve sous la plume de Benjamin Binet, auteur d'un
Traité des dieux et des démons du paganisme où l'on peut lire les lignes suivantes, citées à l'entrée «mythologie» du dictionnaire de Colin de Plancy :

«Si l'on fixait la théologie païenne à ce que les poëtes nous en débitent, et à ce que le vulgaire a cru, il y aurait d'abord de quoi s'étonner en voyant comment l'homme, qui a conservé quelques linéaments de l'image de Dieu et qui en a une idée naturelle, s'est abandonné à des superstitions aussi absurdes. Les païens, qui n'avaient point d'autre guide que la mèche fumante de leur raison, sont tombés dans une espèce de délire en faisant autant de monstres de dieux qu'il y avait de créatures. Il est juste, avant d'examiner la croyance des philosophes, de vous décrire succintement combien la croyance du vulgaire était grossière. Leurs dieux les plus vénérés, tels que les poëtes nous les dépeignent, étaient plus propres à faire rire qu'à exciter la dévotion [...]. Mais afin de vous montrer combien la théologie des païens était grossière, il faut vous en donner un petit abrégé plus exact [...]. Je ne vous dirai rien de cette multitude de divinités païennes dont le nom seul est ridicule [...]. Je ne vous en rappellerai point mille histoires absurdes pour vous prouver que ce que l'on contait des dieux ne venait que des fictions des poëtes, que le peuple, naturellement superstitieux, avait adoptées comme conformes à ses préjugés.»

Combien cette dénonciation de la mythologie «païenne» comme étant une grossière création imputable aux préjugés du peuple, résultait elle-même des préjugés de l'époque, cela saute maintenant aux yeux.

Et parmi ces préjugés, figure celui de voir dans la mythologie antique toute «la» mythologie: hélas, il faut bien dire qu'il est encore trop répandu de nos jours.

Même le philosophe Condorcet, rédigeant en 1793-1794 le passage de son Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain où il cherchait à élucider l'origine des religions, avait écrit que les vérités naturelles
«offraient aux yeux du peuple le système de la plus extravagante mythologie, devenaient pour lui le fondement des croyances les plus absurdes, des cultes les plus insensés, des pratiques les plus honteuses ou les plus barbares» (D'après l'édition dite Prior-Belaval de l'Esquisse, Paris, Vrin 1970:43).

Cette manière de voir aura la vie longue. En 1911, Ambrose Bierce la parodiera dans son Dictionnaire du Diable, en donnant du mot mythologie une définition au second degré :

«MYTHOLOGIE (n.). Ensemble des croyances d'un peuple primitif au sujet de ses origines, de son histoire ancienne, de ses héros, de ses dieux, etc..., qu'il convient de distinguer des récits exacts qu'il invente par la suite» (cf. Bierce 1967. La première édition du Devil's Dictionary parut en 1906 sous le titre de The Cynic's Word Book).

Bien que mythologisme ait été créé en 1823 pour désigner un «système de pensée qui utilise la mythologie». il n'est donc pas étonnant que le sens populaire ait fait de cette dernière un «ensemble de faussetés», selon une acception que le
Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse illustre par une citation de Proudhon: «Dans l'imagination populaire, la politique, de même que la morale, est une mythologie».


4. Mythique et mythologique

Parmi les autres mots de la famille de mythe, figure en premier lieu mythique, apparu au XIVe siècle. Emprunté au latin mythicus («relatif à la fable, fabuleux») ce terme est resté d'un emploi rare jusqu'à ce que Michelet le popularise au XIXe. Son apparition dans l'expression «pensée mythique» (créée par Cassirer et popularisée par Lévi-Strauss) montre bien le chemin parcouru depuis l'époque -- pas si lointaine, on l'a vu--; où les mythes étaient tenus pour des discours totalement irrationnels, naïfs, ridicules, grossiers, délirants, proprement insensés. Alors qu'au travers des mythes, le propre de la pensée mythique est bien de proposer des modèles cohérents d'organisation du monde, et alors que ces modèles sont susceptibles d'obéir à des lois très précises (homologies, inversions, oppositions, etc.).

Mythologique apparaît en 1481 pour désigner un genre particulier d'auteurs, les «Poetes... mithologiques» (Delboulle,
Notes lexicographiques inédites. Manuscrit déposé à la Sorbonne, cité par Dauzat, Dubois et Miterrand 1971, s.v. «Mythe»).
Le mot ainsi utilisé est un calque du latin
mythologicus attesté par une variante du titre de l'ouvrage de Fulgence déjà cité; il provient du grec muthologikos «habile à composer des fables». En 1866, Baudelaire l'utilisait au sens de «fabuleux, extraordinaire, inventé». Substantivé au féminin pluriel, cet adjectif a désigné des œuvres d'art inspirées par les mythes de l'Antiquité gréco-latine, ainsi qu'il ressort d'un passage de l'Aurélia de Gérard Nerval, décrivant une chambre lambrissée de «panneaux de boiseries provenant de démolition d'une vieille maison que j'avais habitée à l'emplacement du Louvre, et couverts de mythologiques exécutées par des amis célèbres».

Depuis la célèbre série des traités composés par Claude Lévi-Strauss sous le titre
Mythologiques, l'adjectif, substantivé, désigne maintenant une science, au même titre que, par exemple, la physique.


5. Mythologues, mythographes, mythologistes et autres mythologiens

Les personnes pratiquant cette science et s'adonnant donc à l'étude des mythes ont d'abord été appelées mythologes au XVIe siècle, mot pris au grec muthologos «qui compose des fables», et se trouvant chez Rabelais: «Si Oxylus filz de Orius l'eust de sa soeur Hamadryas engendrée, plus en la seule valeur d'icelle se feust delecté, qu'en tous ses huyct enfans tant celebrez par nos Mythologes» (Le Tiers Livre, XV).

Mais le même Rabelais employait également mythologien, dans le même sens:
«Ainsi le haulserent [le temps] Atlas et Hercules, si croyez les saiges mythologiens» (Le Quart Livre, LXV).

La forme actuelle mythologue, apparue au XVIIIe, fut admise par le
Dictionnaire de l'Académie en 1740, concurrençant mythologiste qu'employait Voltaire. Un autre concurrent fut mythographe, accepté par l'Académie en 1842 et directement pris au grec muthographos «qui écrit des récits fabuleux», avant de prendre le sens de «personne étudiant ces récits», donc s'occupant de mythographie («description des fables» en 1845, «science des contes et des mythes» en 1874).

Les deux plus grands mythologues du XXe siècle sont incontestablement Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss, qui ont enfin haussé l'étude des mythes à l'échelon d'une véritable science, dotée de méthodes propres. Tous deux se sont attachés à découvrir, derrière la «variance» apparemment infinie des récits mythiques, des structures permanentes, telles que la tripartition fonctionnelle dans l'idéologie indo-européennne étudiée par Dumézil, ou la «formule canonique des mythes» ayant autorisé des rapprochements des plus éclairants entre mythes amérindiens du nord et du sud, lesquels forment l'essentiel de la matière utilisée par Lévi-Strauss.

Contrairement à une opinion commune, on ne peut aucunement mettre Mircea Eliade sur un même plan que ces auteurs, d'abord à cause de ses présupposés idéologiques à tendance fascisante, mais surtout parce toute son œuvre se situe à l'intérieur même d'un véritable mythe: celui de la permanence d'un «
Homo religiosus» toujours semblable à lui-même, doté d'une spiritualité primitive immuable, et vivant au cœur d'un monde duquel toute contingence historique se serait mystérieusement évaporée. De plus, Eliade ne s'emploie jamais à faire des démonstrations, se bornant à accumuler les exemples illustrant ses idées; fidèle à une conception hermétiste et initiatique de la transmission des connaissances, il ne démontre pas, il montre. Il ne se comporte pas en mythologue mais en héraut d'une mythologie constamment réactivée par l'évocation incantatoire de la «nostalgie des origines», et son érudition ne doit pas impressionner: non seulement elle est souvent très approximative, mais elle «oublie» régulièrement les documents contraires à ses thèses (sur tout ceci, voir en première approche Dubuisson 1993).

Depuis les travaux des premiers «mythologistes», les enseignements de l'ethnologie ont montré que bien d'autres mythologies que grecque et romaine étaient dignes d'être étudiées, que sur tous les continents il en existait de tout aussi complexes, poétiques, profondes, fascinantes. Mieux: Henri Dontenville, et à sa suite toute une école de chercheurs, ont permis de comprendre qu'il existe aussi une Mythologie française, dont l'étude est devenue l'objet des travaux d'une
Société de Mythologie Française. Laquelle n'est pas du tout ce que serait une «Société française de mythologie», puisque la «mythologie française» est la forme particulière prise sur un territoire correspondant en gros à celui de l'actuelle France, par les mythes des populations qui s'y sont succédé. Ces mythes, comme partout, sont indissociables d'une vision et d'une occupation particulières de l'espace, d'un calendrier, et de nombreux rituels. Autant d'éléments qui furent assimilés, remodelés, remotivés, bref: «bricolés» par le christianisme, d'où l'appellation de Mythologie chrétienne employée par Philipe Walter pour désigner cette matière, tant en France qu'en d'autres pays d'Europe (Walter 1992).

Et surtout, nombre de ces mythes sont toujours bien vivants de nos jours, dans notre monde, jusqu'au plus profond de notre esprit. Mais qu'on ne s'y trompe pas: il ne s'agit aucunement de ce dont traita Roland Barthes, pour qui le steack-frites, l'épopée du Tour de France ou l'image de l'abbé Pierre seraient autant de Mythologies (pour Barthes, tout mythe est «méta-langage»... d'accord, mais la réciproque n'est pas forcément vraie). Non, ce dont il est question maintenant, c'est bien de récits antiquissimes qui certes ont pu se manifester ici sous la forme d'une légende localisée, ailleurs sous celle d'un «conte» ou d'une vie de saint, mais qui peuvent aussi prendre l'apparence d'un fait-divers, d'une légende scientifique ou d'une rumeur urbaine.

6. Mythomane, mythomanie, mythocrate, mythistoire et stichomythie

Mythomane et mythomanie sont des créations du vocabulaire médical remontant à 1905, sur lesquelles on a fait mythomaniaque en 1911.

Plusieurs des mots de cette famille sont maintenant sortis de l'usage, comme mythocrate, néologisme créé par Ballanche pour désigner les monarques des temps fabuleux (Larousse 1866-1879), ou comme mythistoire, désignant une «histoire fabuleuse». Ce dernier terme se trouve notamment dans le savoureux titre d'un ouvrage de G. des Autelz :
Fanfreluche et Gaudichon, mythistoire baragouine de la valeur de dix atomes pour la recreation de tous les fanfreluchistes (Lyon, 1574, in-16).

Enfin, à titre de curiosité, on peut temporairement exhumer de l'oubli le mot stichomythie (du grec
stikhos «vers» et muthein «parler»)... sorte de monstre créé au XIXe siècle par quelque Dr Moreau du langage, pour désigner un «dialogue dont les personnages se répondent par des vers»... allons donc! et pourquoi faire simple?



Bibliographie

  • Bescherelle Aîné 1887. Nouveau Dictionnaire National ou Dictionnaire universel de la Langue française. Paris:Garnier frères, 4 vol.
  • Bierce (Ambrose) 1967. The enlarged Devil's Dictionary. New York: Doubleday, 300 p.
  • Cholières (Nicolas de) s.d. Les Matinées. Paris: Richer, 240 p.
  • Collin de Plancy (J.), 1986. Dictionnaire infernal. Paris:Plon, 723 p.
  • Condorcet. Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain (Édition Prior-Belaval).Paris:Vrin, 1970.
  • Dauzat (Albert), J. Dubois et H. Miterrand, 1971. Nouveau dictionnaire étymologique et historique. Paris: Larousse, 805 p.
  • Dubuisson (Daniel), 1993. Mythologies du XXe siècle (Dumézil, Lévi-Strauss, Eliade). Lille: PUL, 348 p.
  • Hatzfeld (Adolphe) & A. Darmesteter 1890-1893. Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle jusqu'à nos jours, précédé d'un traité de formation de la langue. Paris: Delagrave, 6 vol.
  • Huguet (Edmond), 1925-1967. Dictionnaire de la langue française du seizième siècle. Paris: Didier, 7 vol.
  • La Châtre (Maurice), 1854. Dictionnaire universel. Paris: Serrière, 2 vol.
  • Larousse (Pierre) 1866-1876. Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle. Paris: Administration du Grand Dictionnaire Universel, 17 t. en 34 vol.
  • Moreau (Alain) 1983. Introduction à la mythologie. Le mythe et le conte. O luknoi, Connaissance hellénique 78:28-39.
  • Picoche (Jacqueline), 1994. Dictionnaire étymologique du français. Paris: Le Robert, 739 p.
  • Sergent (Bernard), 1997-1998. Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss. La Mandragore 1:85-94, et 2:95-104.
  • Walter (Philippe) 1992. Mythologie chrétienne. Rites et mythes du Moyen Âge. Paris: Ententes, 287 p.