José Garanger est mort…
José Garanger avait réconcilié préhistoire et traditions orales, en prouvant par les méthodes de la première la véracité des secondes…
José Garanger, archéologue spécialiste de l'Océanie, est mort le 26 décembre dernier, à l'âge de 80 ans. Il avait introduit en Océanie les méthodes d'André Leroi-Gourhan, en particulier à Tahiti et au Vanuatu. En 1996, un ouvrage collectif lui avait été dédié sous le titre "Mémoire de pierre, mémoire d'homme", en référence à une découverte capitale, où il avait montré, par les méthodes de l'archéologie, la validité des traditions orales.
En effet, aux îles Shepherd (Nouvelles-Hébrides), ses travaux ont permis d’attester archéologiquement la factualité de la plupart des faits mentionnés dans les mythes de Kuwae et de Roy Mata. Selon ces mythes qu'avait rassemblés Jean Guiart, un autre spécialiste de l'Océanie, l’île légendaire de Kuwae aurait disparu par suite d’une éruption volcanique, et le seul rescapé aurait été le héros Ti Tongoa Liseiriki, qui aurait organisé la colonisation des îles Shepherd, et qui aurait été inhumé au village de Panita, à Tongoa, en compagnie de ses épouses et d’une partie de sa suite. Le récit précisait que les corps furent entourés d’un cercle de coquillages et que des stèles basaltiques furent dressés sur la sépulture… toutes choses vérifiées ultérieurement par les archéologues, qui ont daté ces événements du milieu du XVe siècle de notre ère.
Stèle marquant la tombe de Roy Mata, d'après une photo de Frédéric Rousseau
Quant à Ti Tongoa Liseiriki, il s’agit d’un autre héros fondateur dont on dit qu’il aurait vécu longtemps avant Roy Mata et qu’il aurait fondé la fête quinquénale dite « de la paix » ; il aurait été inhumé dans l’îlot corallien de Retoka ; des sacrifices auraient alors eu lieu et une partie de sa suite aurait été ensevelie vivante ; après les danses et chants funêbres, l’îlot fut déclaré fenua tabuy (« terre interdite »), et nul n’y serait retourné sans danger de mort. Là aussi, les fouilles entreprises ont tout confirmé, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
Plan général de la sépulture collective de Roy Mata. Les taches sombres arrondies sont des restes de foyers. Les traits noirs foncé indiquent l'emplacement des stèles
(d'après José Garanger, "Tradition orale et Préhistoire en Océanie", Cahiers de l'ORSTOM sér. Sc. Hum., XIII (2) 1976: 147-161).
JLLQ