Un paradis perdu, dix scoops trouvés!
07/01/07 09:15 - Rubriques : Préhistorêves
Certains voudraient nous faire croire que le texte de la Genèse biblique décrirait l'extraordinaire site archéologique de Göbekli Tepe en Turquie.
Le numéro 310 de la revue "ça m'intéresse", paru en décembre 2006, fait sa couverture sur un titre fracassant et annonce: "Les stupéfiantes révélations d'un site archéologique : on a retrouvé le Paradis terrestre". Le tout illustré du tableau idyllique d'un Paradis qui aurait été revisité par le douanier Rousseau.
Ce site est extraordinaire, certes, mais quand même pas au point d'y localiser le Paradis! Hélas, dans la revue, tout l'article est au niveau de ce titre racoleur. Les auteurs, que par charité l'on ne citera pas ici, affirment que c'est là que "pour la première fois de l'histoire, des hommes se sont rassemblés en grand nombre, et c'était pour partager des rites" (p. 69). Le syndrome du "plus ancien rite" (ici associé au plus ancien rassemblement !) a donc de nouveau frappé des journalistes en mal d'audience. Les pigistes de "ça m'intéresse" sont tellement heureux de rapprocher Göbekli Tepe et le Paradis biblique qu'ils en perdent tout sens critique. Leur rapprochement s'appuie en effet sur le fait que, parmi les gravures rupestres de ce site, se trouvent des images "rappelant le serpent et l'Arbre de la connaissance décrits dans la Bible". C'est quand même un peu mince (surtout que parmi ces images figurent aussi des sangliers, renards, lions, scorpions, bovins, etc.).
A droite, décor de l'une des stèles de Göbekli tepe, d'après K. Schmidt, "Göbekli tepe and the Rock Art of the Near East", Türkiye Bilimler Academsi Arkeoloji Dergisi, fig. 6.
Un autre argument est que, selon le texte biblique, le fleuve édénique "se divisait en quatre bras", dont le Tigre et l'Euphrate. Or Göbekli Tepe se trouvant entre ces deux fleuves, c'est donc bien la preuve que là se situait le paradis… Filant la métaphore chrétienne jusqu'au bout, les auteurs décrivent le site comme une "cathédrale de pierre" ce qui n'a strictement aucun sens (comme s'il existait des cathédrales en d'autres matières, du reste !). Ils n'en mentionnent pas moins des générations de "chamanes, pèlerins et initiés" qui se seraient succédé là "pour des rituels sacrés". Sur leur lancée, les mêmes auteurs nous refont, avec une foi touchante, le coup de la "révolution néolithique" en redisant (après tant d'autres!) que le Croissant fertile serait "le berceau des plus grandes inventions: agriculture, premières villes, écriture" (p. 71). Oubliées, les écritures chinoise et maya, les cités méso-américaines, l'invention indépendante de l'agriculture du riz, du maïs, etc. S'ensuit une relecture de la Bible au ras des pâquerettes, les arbres du jardin d'Eden devenant une "allusion aux premiers hommes qui vivaient de la cueillette", la ville construite par Caïn étant une claire indication de la "Révolution néolithique", etc., etc. Alors les auteurs de s'extasier sur le fait que la Genèse "nous livre le déroulé de l'évolution de l'homme sur quarante siècles", ce qui serait "une performance quand on sait que la science… n'a pu décrire ce processus qu'à la fin du XIXe siècle". Autrement dit, la Genèse fait mieux que les scientifiques. Et pour couronner le tout, les images d'échassiers (probablement des grues) gravées sur les stèles de Göbekli Tepe représenteraient "des hommes déguisés en grues pour interpréter des rituels chamaniques". Accumuler tant d'âneries en si peu de pages force presque l'admiration. Mais apparemment, les auteurs de ce fatras ignorent qu'en 1987, quelqu'un avait déjà cru localiser le Paradis biblique. Il s'agit de l'archéologue Juris Zarins dont les théories ont été résumées par Dora Jane Hamblin dans un article intitulé "Has the Garden of Eden been located at last?", paru dans la revue Smithsonian (Vol. 18, No.2, p. 127-135). Pour qui voudrait chercher un fond de vérité au récit biblique, la thèse de Juris Zarins est autrement convaincante que les élucubrations de "ça m'intéresse" (mais pour qui préfèrait situer le Paradis en Azerbaïdjan, alors le livre de David Rohl intitulé Legend: The Genesis of Civilization conviendra très bien!).
Le mieux est de laisser le mot de la fin à Klaus Schmidt, l'archéologue qui dirige la fouille du site: "Göbekli Tepe est assez extraordinaire pour qu'il n'y ait aucun besoin d'y ajouter des spéculations".
Et où se situe donc cette découverte ? A Göbekli Tepe en Turquie, où se trouve un site archéologique extraordinaire du dixième millénaire avant notre ère, célèbre pour ses mégalithes en forme de "T" ornés de figurations animales.
Ce site est extraordinaire, certes, mais quand même pas au point d'y localiser le Paradis! Hélas, dans la revue, tout l'article est au niveau de ce titre racoleur. Les auteurs, que par charité l'on ne citera pas ici, affirment que c'est là que "pour la première fois de l'histoire, des hommes se sont rassemblés en grand nombre, et c'était pour partager des rites" (p. 69). Le syndrome du "plus ancien rite" (ici associé au plus ancien rassemblement !) a donc de nouveau frappé des journalistes en mal d'audience. Les pigistes de "ça m'intéresse" sont tellement heureux de rapprocher Göbekli Tepe et le Paradis biblique qu'ils en perdent tout sens critique. Leur rapprochement s'appuie en effet sur le fait que, parmi les gravures rupestres de ce site, se trouvent des images "rappelant le serpent et l'Arbre de la connaissance décrits dans la Bible". C'est quand même un peu mince (surtout que parmi ces images figurent aussi des sangliers, renards, lions, scorpions, bovins, etc.).
A droite, décor de l'une des stèles de Göbekli tepe, d'après K. Schmidt, "Göbekli tepe and the Rock Art of the Near East", Türkiye Bilimler Academsi Arkeoloji Dergisi, fig. 6.
Un autre argument est que, selon le texte biblique, le fleuve édénique "se divisait en quatre bras", dont le Tigre et l'Euphrate. Or Göbekli Tepe se trouvant entre ces deux fleuves, c'est donc bien la preuve que là se situait le paradis… Filant la métaphore chrétienne jusqu'au bout, les auteurs décrivent le site comme une "cathédrale de pierre" ce qui n'a strictement aucun sens (comme s'il existait des cathédrales en d'autres matières, du reste !). Ils n'en mentionnent pas moins des générations de "chamanes, pèlerins et initiés" qui se seraient succédé là "pour des rituels sacrés". Sur leur lancée, les mêmes auteurs nous refont, avec une foi touchante, le coup de la "révolution néolithique" en redisant (après tant d'autres!) que le Croissant fertile serait "le berceau des plus grandes inventions: agriculture, premières villes, écriture" (p. 71). Oubliées, les écritures chinoise et maya, les cités méso-américaines, l'invention indépendante de l'agriculture du riz, du maïs, etc. S'ensuit une relecture de la Bible au ras des pâquerettes, les arbres du jardin d'Eden devenant une "allusion aux premiers hommes qui vivaient de la cueillette", la ville construite par Caïn étant une claire indication de la "Révolution néolithique", etc., etc. Alors les auteurs de s'extasier sur le fait que la Genèse "nous livre le déroulé de l'évolution de l'homme sur quarante siècles", ce qui serait "une performance quand on sait que la science… n'a pu décrire ce processus qu'à la fin du XIXe siècle". Autrement dit, la Genèse fait mieux que les scientifiques. Et pour couronner le tout, les images d'échassiers (probablement des grues) gravées sur les stèles de Göbekli Tepe représenteraient "des hommes déguisés en grues pour interpréter des rituels chamaniques". Accumuler tant d'âneries en si peu de pages force presque l'admiration. Mais apparemment, les auteurs de ce fatras ignorent qu'en 1987, quelqu'un avait déjà cru localiser le Paradis biblique. Il s'agit de l'archéologue Juris Zarins dont les théories ont été résumées par Dora Jane Hamblin dans un article intitulé "Has the Garden of Eden been located at last?", paru dans la revue Smithsonian (Vol. 18, No.2, p. 127-135). Pour qui voudrait chercher un fond de vérité au récit biblique, la thèse de Juris Zarins est autrement convaincante que les élucubrations de "ça m'intéresse" (mais pour qui préfèrait situer le Paradis en Azerbaïdjan, alors le livre de David Rohl intitulé Legend: The Genesis of Civilization conviendra très bien!).
Le mieux est de laisser le mot de la fin à Klaus Schmidt, l'archéologue qui dirige la fouille du site: "Göbekli Tepe est assez extraordinaire pour qu'il n'y ait aucun besoin d'y ajouter des spéculations".
JLLQ