Autocrates en quête d'immortalité
(Retransmission de la rencontre par Euronews, capture d'écran)
Cette quête d’immortalité, déjà évoquée dans l’épopée de Gilgamesh au deuxième millénaire avant l’ère commune, est l’un des grands thèmes mythiques de l’humanité. Partout dans le monde, des mythes d’origine de la vie brève, dont les mythologues ont montré qu’ils remontent à une lointaine préhistoire, exposent qu’à l’origine, les humains ne connaissaient pas la mort, qui fut introduite par des êtres mythiques pour diverses raisons, dont l’une des plus anciennes est que, si les humains devenaient immortels, la terre serait bientôt invivable, car surpeuplée. Cette vieille remarque justificatrice de la vie brève n’intéresse certainement pas les actuels autocrates et chantres du transhumanisme. En effet, si la médecine parvenait à vaincre la mort, les moyens mis en œuvre ne pourraient être accessibles à tous, d’une part à cause de leur coût prohibitif, et d’une autre parce que la conséquence invoquée par le mythe redeviendrait rapidement d’actualité.
Pourtant, dans bien des sociétés, on a considéré que l’immortalité existait bien, en ceci qu’elle consiste à survivre dans les mémoires. Selon cette conception, la véritable mort n'est pas celle dont témoigne l’immobilité corporelle, car mourir, c’est être oublié. Ce dont il est alors question, c'est d’une immortalité collective, transpersonnelle, sans rapport avec l’obsession égotique de ne pas mourir dont témoignent régulièrement les propos de quelques autocrates et multimilliardaires transhumanistes fâchés que le réel ose leur résister.
Selon des conceptions répandues en Chine ancienne, certains très vieux sages taoïstes parvenaient à voler jusqu’en haut des montagnes, grâce à un régime approprié, à base de macres ou de graines de pin, voire de cinabre. Ce sont les « immortels » dont Wáng Chōng, au premier siècle de l’ère commune, dit dans ses essais critiques (Lùnhéng), qu’ils sont traditionnellement représentés « avec un corps couvert de duvet, des bras transformés en ailes, et se mouvant parmi les nuages ». On les appelait xiānrén, dénomination dans laquelle xiān exprime l’idée de « s’élever comme en volant, en faisant danser ses manches agitées comme des ailes ». Les immortels de ce type étaient réputés insaisissables et volatils, car c’étaient des sages, détachés des choses de ce monde — à l’inverse de nos autocrates.
Une autre tradition chinoise, mais aussi japonaise et coréenne, consiste à entretenir les temples en refaisant à l’identique tous leurs éléments architecturaux dès qu’ils commencent à se dégrader, si bien que tel temple « médiéval » que nous contemplons aujourd’hui en croyant voir un original d’époque peut en réalité se composer de mille et un éléments changés à diverses périodes. C’est une fausse éternité de ce type qui fut évoquée par Poutine le 3 septembre 2025 sur la place Tian'anmen, avec l’idée naïve qu’il serait déjà possible de l’atteindre en remplaçant un par un tous les organes du corps humain aux premiers signes de défaillance — quelle pauvreté d'esprit!
Décidément, comme on dit en Vendée:
«La misère n'est pas que chez les riches!»
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À paraître le 24 octobre prochain: