Le plus vieux culte du python au monde ?
Le communiqué cité ici indique que la découverte fut effectuée dans les monts Tsodilo "fameux pour recéler la plus grande concentration de peintures rupestres du monde"… affirmation qui ne peut que faire sourire avec indulgence quiconque connaît les sites de cette région (infiniment moins riche que les massifs du Sahara central, par exemple). Sheila Coulson a déclaré au magazine Apollon qu'une paroi d'un des abris des monts Tsodilo "ressemble à une énorme tête de python".
Ci-dessus, le "python", de 6 mètres de long.
A gauche: photo non retouchée.
A droite: photo rubriquée par Sheila Coulson pour
mettre le python en évidence
(d'après le site
http://folk.uio.no/coulson/Rhino%20Cave/ )
Bon. Si on veut vraiment voir un python dans cette
grotte, on le peut. Mais Sheila Coulson ajoute aussi
qu'elle n'a trouvé aucune preuve de travail humain
sur la partie de la paroi qui correspond à ce qu'elle
interprète comme étant la tête du reptile. Ce qui
signifie simplement que si ressemblance il y a, elle
est fortuite. Sur le site personnel de l'archéologue se
trouvent plusieurs photos de détail et une
présentation "power point" qui montrent bien, quoi
qu'elle en dise, la fragilité de sa lecture. Et il
faut bien admettre que la comparaison des images
ci-dessus avec la tête d'un vrai python (cf. la
photographie ci-dessous, empruntée à Philip Thomas) n'incite pas
vraiment à parler d'une ressemblance sifflante de
vérité.
Ce qui pousse Sheila Coulson à aller plus loin, c'est
qu'à droite de ladite "tête", se trouvent de
nombreuses stries polies qui "donnent à la paroi
l'apparence d'une peau de serpent". Là encore:
si on veut, mais il faut au moins rappeler que des
parois de ce genre se trouvent dans de très
nombreuses grottes de par le monde. Ici, lesdites
indentations polies ont été datées car, en fouillant
la base de la paroi, les archéologues ont retrouvé,
parmi 13.000 artefacts, les outils ayant servi à
graver ces stries, ainsi qu'un fragment de paroi
tombé. Il est précisé, à propos de ces artefacts, que
"certains d'entre eux avaient plus de 70.000
ans"… Parmi les outils figuraient des
pointes dont on nous dit que "seules les pointes
rouges ont été brûlées", ce qui est interprété
comme une "destruction rituelle"… mais
on peut se demander si, ayant été brûlées, elles
n'ont pas été rubéfiées, et si donc, elles ne
seraient pas rouges parce que brûlées, et
non le contraire. En tout cas, rien ici n'indique
l'existence d'un rite.
Les deux seules images rupestres de cette grotte sont
une girafe et un éléphant. Evidemment, il aurait été
mieux d'y trouver une peinture de python, qui aurait
confirmé le tissu d'hypothèses échaffaudé par Sheila
Coulson. Mais que nenni. Aussi fait-elle appel à un
mythe San actuel ou sub-actuel, selon lequel un
python tomba dans un trou d'eau et fut sauvé par une
girafe. Quel rapport ? demanderez-vous. Eh bien,
c'est très simple: l'éléphant est une métaphore du
python (à cause de sa longue trompe) donc la girafe
du mythe a sauvé une "métaphore de python", et ces
peintures confirment l'hypothèse. C'est quand même un
peu tordu. Sans compter que cela suppose la
transmission d'un mythe inchangé sur 70.000 ans, ce
qui serait une première.
La conclusion "sensationnelle" est, dit Sheila
Coulson, que "Notre découverte signifie que les
hommes étaient mieux organisés et disposaient d'une
capacité de pensée abstraite à une époque bien
antérieure à ce qu'on supposait précédemment".
Un peu présomptueux, ce me semble, puisque ceci a
déjà été établi, pour la même période de moins 70.000
ans, par Christopher Henshliwood à Blombos Cave. Et une telle
affirmation ne tient aucun compte de travaux de
Francesco d'Errico et de Marian
Vanhaeren qui ont montré que les capacités
cognitives et symboliques de l'homme étaient déjà
bien établies en Afrique il y a 75.000 ans. Mieux:
dans la revue Science du 23 juin 2006, ces
mêmes chercheurs ont publié une éclatante
confirmation de cette ancienneté, en la faisant
remonter encore plus haut: des coquillages des
sites de Skhul (Israël) et de l'oued Djebanna
(Algérie) ont été travaillés pour faire des bijoux
qui remontent à au moins 100.000 ans pour le
premier site et au moins 90.000 pour le second. Du
coup, il ne reste pas grand chose du "scoop" des
monts Tsodilo.
Mais finalement, pour intéresser la presse, et pour
faire bonne mesure, il fallait bien un chamane
quelque part. Alors voici le roman que narre Sheila
Coulson:
The
shaman, who is still a very important person in San
culture, could have kept himself hidden in that
secret chamber. He would have had a good view of the
inside of the cave while remaining hidden himself.
When he spoke from his hiding place, it could have
seemed as if the voice came from the snake itself.
The shaman would have been able to control
everything. It was perfect.” The shaman could also
have “disappeared” from the chamber by crawling out
onto the hillside through a small shaft.
Là, plus aucun doute:
nous ne sommes plus dans le domaine de la science.
Mais ne soyons pas trop critique: pour en juger plus
sereinement, attendons de voir la publication
scientifique de cette découverte.